Mardi 10 juin 2008 à 18:06

La poésie se fait dans un lit comme l'amour
Ses draps défait sont l'aurore des choses
La poésie se fait dans les bois
Elle a l'espace qu'il lui faut
Pas celui-ci mais l'autre que conditionnent
L'oeil du milan
La rosée sur la prèle
Le souvenir d'une bouteille de Traminer embuée
     sur un plateau d'argent
Une haute verge de tourmaline sur la mer
Et la route de l'aventure mentale
Qui monte à pic
Une halte elle s'embrousaille aussitot
[...]
L'étreinte poétique comme l'étreinte de chair
Tant qu'elle dure
Défend toute échappée sur la misère du monde

André Breton, Sur la route de Sans Romano (1948).

Lundi 9 juin 2008 à 19:16

Mon chat a ramené un oiseau dans ma chambre. Mort. Egorgé. Il pensait me faire plaisir.

Dimanche 1er juin 2008 à 17:47

Je suis sûre qu'en visitant des blogs, vous êtes déjà tombés sur ce genre de trucs. Je sais pas comment on pourrait appeller ca. L'auto-évaluation de caractère. Ce truc à la con ou les gens s'auto-notent. Je sais pas si vous avez dejà remarqué, mais on tombe toujours sur le même schéma. Du genre:

Jαℓǿυse : ■■■■■■■■■■ 
(Le 10% qui veut dire "ch'te prendrai pas ton mec")
Gεиεяευse : ■■■■■■■■■■
Nεgαтίve : ■■■■■■■■■ 
(j'ai la positive attitude moi :)
Nαтυя
εℓle : ■■■■■■■■■■ 
(100% naturelle, c'est du certifié bio, je met pas de talons, porte pas de maquillage, mon rire charmeur est tout a fait naturel, je me force pas du tout)
Gǿυямαиde : ■■■■■■■■■■ 
(Le 10% restant qui veut dire "mais pas trop quand même, j'ai pas de kilo en trop quoi") 
Aттεитίǿиεe : ■■■■■■■■■
Gεитίℓle :
■■■■■■■■■■ 
(On me dit que je suis trop gentille... mais je peux pas m'en empecher :$)
Pαяεѕѕευse : ■■■■■■■■■■
Cнίαитe : ■■■■■■■■■
Pяεтεиcίευse : ■■■■■■■■■■
Hευяευse : ■■■■■■■■■■
Tίмίdε : ■■■■■■■■■■ 

(Timide-naïve, c'est chou non? Mais j'me laisse pas marcher sur les pieds)
Bαναяde : ■■■■■■■■■■ 
(Même une fois, y'a un prof il m'a dit d'arreter de parler en classe. Je suis trop rebelle moi)
Mεcнαитe : ■■■■■■■■■■ 
(Ben j'ai du caractère quoi^^ Non, j'ai pas compris que méchant c'est le contraire de gentil)
Sумρнαтίqυε : ■■■■■■■■■■ 
(Je suis ton ami :) Et je sais même pas l'écrire ;)
Dǿυce : ■■■■■■■■■■
Cяίтίqυεuse : ■■■■■■■■■ 
(C'est pas du tout mon passe temps favori. Je déteste me mettre en valeur) 
Cαℓίиe : ■■■■■■■■■■ 
(Je sais mordre quand on me fache!)
Pǿssεsive : ■■■■■■■■■■ 
(
C'est mon mec, tu touches pas! Mais bon, j'aime bien que tu me pretes ton rouge à lèvres, alors chuis pas posséssive avec mon eyeliner)
Ambitiεuse : ■■■■■■■■■■■ 
(Moi plus tard, je veux garder des enfants et élever des chevaux. Et mon mari sera RICHE et BEAU)
Rαиcuиière : ■■■■■■■■■■
(J'ai trop de caractère quoi! T'as copié sur moi en francais une fois. T'as eu 3 parce que je suis nulle, mais je te parle plus, t'as copié!)
 
Jǿℓίε: ■■■■■■■■■■  
(Non mais c'est vrai, je suis trop moche, quoi. On dirait un Pou. Bien sûr que non,  je dis pas ça pour que mille gens me crient en commentaires que je suis hyper mignonne et sexy. Voyons.)
Mǿdεsтε: ■■■■■■■■■■
Pαяfαiтε: ■■■■■■■■■■

(Ben voyons!)

Alors soit les gens sont tous parfaitement identiques. Soit je suis vraiment bizarre. Personnellement, si je devais me qualifier, je serais loin d'être généreuse, sympathique et gentille. Je serais pas non plus Naturelle. Plutôt réaliste. Negative, paresseuse, prétencieuse, critiqueuse. Chiante. Est-ce que je suis un cas social, isolé, à part, pestiféré, à mettre en quarantaine?

Et pourquoi Diable, les gens veulent-ils donner cette image d'eux? Ca fait un peu "Oui moi, je suis exactement conforme à, en fait, tout le monde. Mais en mieux. Je suis parfaite, je suis idéale, tout ce que tu veux, je suis gentille, mais je me laisse pas marcher sur les pieds. Je suis douce comme un agneau, mais j'ai parfois aussi du caractère. Bien évidement je ne sais pas penser par moi même.".

Parfois, j'ai honte du monde dans lequel nous vivons.

Soyez réalistes, les gens. Vous avez tous des poils dans le nez,
vous suez des aisselles, et vous puez de la bouche le matin. Comme tout le monde.

Lundi 12 mai 2008 à 9:07

Mon chat est complètement fêlé. C'est une constatation que j'ai faite il y a quelques jours de ca, et j'ai agréablement eu le plaisir de la confirmation, hier.

Comme vous ne le savez pas encore, elle a donné naissance à trois ( puisqu'on ne compte pas le mort-né ) adorables petits rats sans poils dans la nuit de mercredi à jeudi. C'est sa troisième portée. Les deux fois précédentes elle avait mit bas, respectivement, dans les chiottes et dans un carton rempli d'appareils informatique dont une coûteuse carte mère. Cette fois-ci, elle donnait l'impression d'avoir compris les choses de la vie, et a pondu ses petits dans le carton, mit serviette, prévu à cet usage. Nous nous réjouissions donc de sa récente admission dans le cercle privé des gens pourvus de cervelle.

Notre contentement fut de courte durée, car figurez vous que la nuit suivante ( de jeudi à vendredi ), elle a fuit sa progéniture. Du genre, "Salut beau gosse, je suis célibataire, sans attache, et j'aime beaucoup ton pelage tacheté, rrRrrr", mit la gueule de chaudasse avec. Ele ne semblait pas se souvenir qu'elle avait des bambins, donc. Pis-encore, dès qu'on l'approchait, elle nous grognait dessus, genre le bruit de cobra, si vous voyez. Ma soeur en a une jolie et sanglante preuve sur la main droite et sur l'avant bras gauche, pour l'avoir transportée jusqu'à ses peits et essayé de lui redonner la raison. Un petit donc, vu que agé de même pas une journée, privé de nourriture pendant sa première nuit, s'est vu succomber. Un second a décroché aussi dans la matinée. Il ne restait donc plus que le plus moche.

En rentrant des cours, ma soeur a tenté une nouvelle fois de faire en sorte que la mazoutée du ciboulot s'occupe de son survivant. Elle a donc fait des tests obscurs dont je ne connais pas le contenu, et a compris qu'en fait, la chatte avait peur du mur. Parce que figurez vous que son nichoir en carton était placé dans un angle, et nous, sots que nous sommes, n'avions pas envisagé la possibilité que la stupidité ambulante se rende compte soudainement de l'éffrayantité du mur. Comprennons-nous bien, nous ne sommes que bassement humains. Nous avons donc appris que notre chat avait peur des murs.

Pour remédier à l'abandon du dernier chaton, privilégié de la séléction naturelle ( il a dû passer sous le bureau ), nous avons déplacé la maisonnée dans la mezzanine. Notons que c'est là qu'est entassé tout le matériel informatique usager et en instance de réparation de la maison - on attend toujours. C'est ici aussi que se trouve les deux ordinateurs de mes parents, et c'est là aussi que mon père fait ses comptes pour son entreprise. Bref c'est plus où moins ( plutôt plus ) l'endroit où passe mon père la plus grande partie de ses journées. Notons aussi que la chatte a une peur bleue de mon père, étant donné qu'il passe sa vie a lui sauter dessus en poussant des grognements et hurlements divers, histoire de bien l'effrayer. Tout en tendresse, évidement. Nous pensions donc que la chatte refuserait de rentrer dans le sanctuaire sacré du papa, et encore moins d'y élever son môme. Que néni, en appercevant le susdit, elle s'est foutue à ronronner tel le compresseur, et elle a sur-le-champs accépté son déménagement. ( Si on omet de parler des trois ou quatres tentatives de migration vers les chiottes et/ou la chambre de ma soeur. )

Deux jours sont passés, et tout allait bien dans le meilleur des mondes, nous avons même, photos à l'appui, surpris mon géniteur à carresser le fauve, ce qui est, entendons-nous bien, une grande exclusivité. Dimanche matin, donc, soit hier, alors que je montais pour voir la petite famille, je fus heurtée à une affreuse nouvelle. En effet le petit avait disparu. Et, comble de miracle, la Ô étrange créature avait l'air d'avoir remarqué. Je stipulerais même qu'elle était tout affolée. J'ai donc entrepris, sous les gémissements et autres miaulements hatifs de Maître Sissi, de retrouver le moche. Après fouillitude de la mezzanine, et non trouvitude du susnommé, je commençai à m'inquieter. Dieu seul sait où la frapadingue aurait pu emmener son petit. Là, je constatai - aidée de la remarque de ma mère - que la fenêtre était ouverte. Fenêtre de la mezzanine qui, comme nous le savons tous, donne immédiatement sur le toit. Notons aussi que les chats, chez moi, ont une tendance accrue au suicide, et passent un bon tiers de leur journée sur le toit. ( Cf: Mon chat est tombé dans la cheminée )

Je fus donc tout simplement affolée par cette perspective parce que, si mes deux chats, agiles avec l'age, savent aisément tenir sur le toit et les tuiles glissantes, ce n'est pas le cas du tout-jeune, qui, en fait, ne sait pas marcher du tout. Il aurait donc suffit que sa mère le lache pour qu'il dégringole tout simplement le long du toit, et s'écrase, mit SPLATCH, par terre, devant chez moi. Saisie d'horreur, je me précipitai dehors, suivit de la poule pondeuse, et entrepris de fouiller parmis les ornements floraux devant chez moi. La chatte avait l'air toute chamboulée, et miaulait telle la bête ayant perdu son petit, et le cherchant partout. Style même elle renifflait les ronces pour voir si son petit était pas là. Son étrange comportement m'a mit la puce à l'oreille: si elle faisait ça, c'était forcément qu'elle pensait son petit être là, et donc qu'elle l'avait surement emmené sur le toit, et fait tomber. Je mis donc plus d'ardeur à chercher, mais, ne le trouvant toujours pas, je décidai de réveiller ma petite soeur, qui est censée s'occuper des chats. En rentrant dans sa chambre, la chatte aux trousses, je constatai que celle-ci fouillait dans la pièce aussi. Et la je compris qu'elle ne savait pas du tout où était son petit. Elle se contentait de chercher les endroits que je lui suggerais.

Précisons que le petit chaton, agé de quatre jours, ne savant pas macher, ne pouvait être que là où sa mère l'avait déposé. Nous cherchâmes une nouvelle fois dans la mezzanine, et pour la première fois, je me baissi, afin de regarder sous les meubles, on ne sait jamais. Mon regard fut attiré par la litière. En effet je n'avais pas regardé dedans étant donné que celle-ci est dotée d'un toit, et donc, que nous ne pouvons pas voir son intérieur vu du ciel, c'est à dire debout. Comme de bien entendu, je trouvai le minou dans le dedans de la boite en plastique, au plein milieu des gravillons et autres inommables immondices. Je le rendis à sa mère, qui se mit immédiatement à ronrronner, et qui entreprit de nettoyer à vigoureux coups de langue son gamin. Pour plus de piment, nous préciserons qu'un truc d'origine douteuse, sans doute gagné dans son séjour forcé à la litière, pendant affreusement sur son flanc gauche.

Nous réfléchîmes donc longuement au comment du pourquoi notre stupidement idiote de chatte aurait pu perdre son nouveau-né dans la litière, quand nous arrivâmes à la conclusion suivante. Rectifions, hypothèse suggestive qui fera office de conclusion. Le sénario que nous avons imaginé est donc simple, et fait parfaitement honneur à la stupidité chronique dont est pourvue la chatte: Au milieu de la nuit, le petit lui aurait probablement fait dessus. Saisie de mécontentement et autres énervités, elle aurait donc décidé de lui apprendre les bonnes manières, comme elle l'a un jour fait avec les petits de ses précédantes portées. Elle l'aurait donc, mit grognements, déposé dans la litère. Enervée, la rage aux dents, elle serait donc descendue faire un tour, se nettoyer le pelage, et aurait complètement oublié cette histoire. Elle serait remontée, et aurait constatée, frappée d'horreur, la disparition de son bambin. Ceci explique celà, le pourquoi elle a cherché de concert avec moi, un peu partout, ne se souvenant pas du tout qu'en fait, elle était juste à coté de l'objet convoîté.

Tout va donc parfaitement bien depuis, à ceci près que, ayant découvert les joies du séjournage dans la litière, la fuyeuse de la cafetière a pris la décision de migrer de manière définitive dans la susdite. Elle vit donc, depuis un jour, dans l'objet des merveilles, pour notre plus grand bonheur.

Mon chat est fou, c'est tout.

Samedi 15 mars 2008 à 17:49

Quelques jours après avoir pris posession de sa somptueuse villa, Emst Kazirra, rentrant chez lui, aperçut de loin un homme qui sortait, une caisse sur le dos, d'une petite porte secondaire du mur d'enceinte ; et chargeait la caisse sur le camion.
Il n'eut pas le temps de le rattraper avant son départ. Alors, il le suivit en auto. Et le camion roula longtemps, jusqu'à l'extrême périphérie de la ville, et s'arrêta au bord d'un vallon.
Kazirra descendit de voiture et alla voir. L'inconnu déchargea la caisse et, après quelques pas, la lança dans le ravin, qui était plein de milliers et de milliers d'autres caisses identiques.
Il s'approcha de l'homme et lui demanda : << je t'ai vu sortir cette caisse de mon parc. Qu'est-ce qu'il y avait dedans? Et que sont toutes ces
caisses? >>
L'autre le regarda et sourit : << j'en ai encore d'autres sur le camion, à jeter. Tu ne sais pas? Ce sont des journées.
-   Quelles journées?
-   Tes journées.
-   Mes journées?
-   Tes journées perdues. Les journées que tu as perdues. Tu attendais, n'est-ce pas? Elles sont venues. Qu'en as-tu fait? Regarde-les, intactes, encore pleines. Et maintenant... >>
Kazirra regarda. Elles formaient un tas énorme. Il descendit la pente et en ouvrit une.
À l'intérieur il y avait une route d'automne et au fond Graziella, sa fiancée, qui s'en allait pour toujours. Et il ne se la rappellait même pas.
Il en ouvrit une autre. C'était une chambre d'hôpital, et sur le lit son frère Josué, malade, qui l'attendait. Mais lui était en voyage d'affaires.
Il en ouvrit une troisième. À la grille de la vieille maison misérable se tenait Duk, son mâtin fidèle qui l'attendait depuis deux ans, réduit à la peau et aux os. Il ne songeait pas à revenir.
Il se sentit prendre par quelquechose qui le prennait à l'entrée de l'estomac. Le manutentionnaire était debout au bord du vallon, immobile comme un justicier.
<< - Monsieur! cria Kazirra. Ecoutez-moi. Laissez-moi emporter au moins ces trois journées. Je vous donnerai tout ce que vous voulez. >>
Le manutentionnaire eut un geste de la main droite, comme pour indiquer un point inaccessible, comme pour dire qu'il était trop tard et qu'il n'y avait plus rien à faire. Puis il s'évanouit dans l'air, et au même instant disparut aussi le gigantesque amas de caisses mystérieuses. Et l'ombre de la nuit descendait.

Dino BUZZATI: Les journées perdues. ( 1982 )

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | Page suivante >>

Créer un podcast